Les Antiquités orientales

La naissance de l’écriture et les antiquités orientales du Musée du Louvre

 Visite Balamuse en mai 2014

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Etendard d’UR, La guerre, XXVIIe s av. JC., British Museum

 

Cadre géographique

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DUR SHARRUKIN = KHORSABAD         NINUA = NINIVE         GIRSU = LAGASH BABYLONE           URUK

La Mésopotamie est le berceau de la civilisation. C’est un des premiers lieux sur la planète, de sédentarisation des populations à l’époque du néolithique. Cette région se situe entre les rives du Tigre et de l’Euphrate. Ces deux fleuves qui prennent leur source sur le plateau anatolien permettent le développement de l’agriculture et de l’élevage au milieu de zones désertiques (Actuellement l’Irak). Le développement de cette civilisation va suivre le cours des deux fleuves, et rejoindre par le nord, puis la vallée de l’Oronte, la côte méditerranéenne en formant ce qu’on appellera le « croissant fertile » (Irak, Syrie, Palestine, Egypte).

Cadre historique

C’est en Mésopotamie qu’apparait au cours du IVe millénaire la première forme de société avec une organisation sociale et religieuse, hiérarchisée et complexe. Le Sud de cette région est peuplé par les sumériens, population non sémitique (et dont on discute encore l’origine). Le Nord est peuplé par les Akkadiens. C’est une région d’importants échanges commerciaux pendant plusieurs millénaires entre l’Orient et la Méditerranée. Mais c’est aussi une région de très grands mouvements de populations, (invasions déportations) et de conflits armés réguliers. La naissance de l’écriture qui se situe aux environs de 3200 avant JC (avant 1200 av. JC, la datation ne peut pas être précise et sera toujours précédée de «  vers » …) précède d’un siècle celle des hiéroglyphes égyptiens, vers 3000 av JC, celle de l’Inde vers 2500 av JC, et celle de la Chine vers 2000 av JC.  

Les Fouilles archéologiques

La Mésopotamie et sa civilisation ont été totalement ignorées et oubliées pendant des siècles. Les constructions étaient en brique d’argile crue et / ou en roseaux pour les bâtiments les plus courants, en briques de terre cuite pour les temples et les palais ( La pierre est rare dans cette zone ).Elles se sont effondrées, effritées ; parfois les cités ont été abandonnées .Les constructions ou leurs vestiges ont été cours du temps recouvertes de sable , ce qui les rendaient invisibles en formant des collines appelées « tell » .Les fouilles sont loin d’être terminées, mais elles se situent dans des pays où il est actuellement parfois difficile d’organiser des fouilles archéologiques… Cependant depuis la Renaissance la région suscite de l’intérêt. Les grandes villes de la Bible y sont situées : Suse (Iran) dans le livre d’Esther, Ninive (Irak) pour l’histoire de Jonas (et sa baleine…) et Babylone (Irak) pour sa « tour de Babel » dans la Genèse etc. En 1841, Paul-Emile Botta, consul de France à Mossoul, cherche Ninive, il trouve Khorsabad …Entre les pattes des taureaux (qui se trouvent actuellement au Louvre) on déchiffrera un texte relatant la prise de Samarie par le roi Sargon vers 732 av JC, le texte figure dans la Bible dans le Livre d’Isaïe !!! Cette découverte provoque un formidable engouement pour les fouilles dans la rég220px-Mari-Zimri_Lim_Palaceion. On fouille « Bible à la main », tout est interprété selon la Bible … (Les premiers déchiffrements de l’écriture cunéiforme datent de 1804, 50 ans plus tard l’écriture est entièrement déchiffrée).

 

Les fouilles du palais de Mari , XVIIIes av. JC. près de Bagdad

La naissance de l’écriture  

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L’écriture cunéiforme, est née, au pays de Sumer, du besoin de garder une trace des échanges commerciaux. Les premières tablettes comportent des signes de comptabilité et des dessins tracés de façon linéaire, et non gravées, c’est l’écriture « pré cunéiforme ». Ce sont des pictogrammes : on « dessine la chose », sur des tablettes le plus souvent en argile. L’écriture n’est ainsi compréhensible que pour celui qui l’a tracée. Elle ne permet pas de communiquer un message. Elle peut tout juste exprimer une idée : une tête avec un bol= boire, une tête avec un flux = parler, l’homme avec le signe grand (une sorte de râteau sur la tête) = le roi. C’est alors un idéogramme. L’écriture est lente et imprécise. Les idéogrammes sont insuffisants pour tout écrire. Il faut un ou deux siècles pour évoluer vers l’écriture phonétique et donc le phonogramme. Le sumérien est une langue majoritairement monosyllabique : On convient alors que le dessin évoque le son et non plus l’objet : par exemple, la flèche se dit « ti » en sumérien, la main sedit «  shu » l’eau se dit «  a ». Le dessin de la flèche va signifier le son ti et non plus la flèche, celui de la main le son shu et celui de l’eau le son a.

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Ceci permet d’exprimer des mots dans d’autres langues que le sumérien puisqu’on écrit alors des sons. Vers 2650 av JC l’écriture est utilisée pour d’autres choses que la comptabilité : hymnes, mythes, épopées, incantations et exorcismes sont rédigés. Cette écriture compliquée ne connait pas d’alphabet mais une somme de 1000 signes environ. Elle est l’apanage de quelques uns. Les scribes se forment dans des écoles en recopiant des tablettes, en apprenant par cœur les signes. Il faut entre 5 et 7 ans pour former un scribe. Puis vers 2400 av JC on passe de l’écriture linéaire au cunéiforme : Avec un calame taillé le plus souvent dans un roseau (ou dans du bois, de l’os de l’ivoire) on grave des « coins  » ou des « clous »…Si cette graphie semble plus abstraite, elle permet une écriture beaucoup plus rapide, et plus nette. Mais il n’y a toujours pas d’alphabet. Le premier alphabet retrouvé à Ugarit (en Syrie) est daté de 1500 av JC environ. L’écriture cunéiforme sera utilisée dans tout le Moyen Orient et dans ses différentes langues : l’araméen, l’élamite, l’akkadien, le babylonien etc. Le document le plus récent en cunéiforme (retrouvé dans un temple de Babylone) qui nous soit parvenu date de 61 après JC.

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Les applications de l’écriture « Enseignée par des scribes dans des écoles, l’écriture assure la transmission des connaissances. Mais elle provoque aussi une réflexion sur le monde, les dieux, les institutions. Elle permet aux hommes de contrôler l’environnement et le temps »  Jean Jacques Glassner. L’écriture inscrira la puissance militaire ou l’ordre religieux sur différents supports destinés à être transmis au cours des siècles. Elle est une trace tangible de la civilisation née en Mésopotamie. Elle permettra également le développement de la littérature à travers les épopées.  

 

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PARCOURS DANS LES SALLES

 

Stèle de victoire d’Eannatum

vautourDite aussi stèle des vautours. Vers 2450 av JC. Calcaire. 1 m 80 de hauteur. Document fondamental : pour la première fois dans l’histoire, un roi a le souci de laisser une trace de sa victoire contre l’ennemi. Le plus ancien document historiographique connu. Une face historique relate en pré cunéiforme la violence des combats et la puissance des armées vaincues. Une face mythologique, représente le dieu Ningirsu, dieu tutélaire de la cité (Lagash) sans lequel la victoire n’aurait pas été possible. L’écriture permet d’inscrire durablement la puissance du roi et de glorifier le dieu protecteur de la cité.

Bas relief votif de Dudu220px-Relief_Dudu_Louvre_AO2394

 

Vers 2400 av JC ; 28 cm de haut, pierre bitumeuse. Pièce perforée destinée à être accrochée dans un temple. Le grand prêtre est représenté debout à côté de la figure de l’aigle léontocéphale agrippant deux lions, emblème du dieu Ningirsu. Le dieu reçoit le sacrifice d’un veau. Inscription en haut à gauche, à côté de la patte du lion, en pré cunéiforme : écriture phonétique : Dudu s’écrit au moyen de deux pieds : pied en sumérien se dit : « du ».

Relief votif d’Ur- Nanshe roi de Lagash

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 Vers 2550 -2500 av JC. Calcaire ; 39 cm de haut. Apparition du thème du « roi bâtisseur » qui ne quittera plus l’iconographie. Le roi bâtit, il veut laisser une empreinte de son règne. Il est représenté avec sa femme et ses fils, il porte un couffin de briques sur la tête .Le texte raconte la construction du temple en pré cunéiforme. Ces trois pièces ont été retrouvées sur le site de Tello, parmi les vestiges de l’ancienne cité de Girsu.

 

Salle de Gudea

 

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Vers 2120 av JC, Gudea est le prince de Lagash, cité état dont la capitale est Girsu. Prince très pieux il fit construire 15 temples dans la cité et y fit placer les statues (la plupart en diorite) qui sont exposées dans cette salle. Elles sont recouvertes d’inscriptions triomphales relatant les prouesses accomplies par le souverain sous la haute protection du dieu. Les inscriptions de fondation : inscriptions destinées à être enterrées dans les fondations, sous les portes, ou incorporés dans les murs des bâtiments, pour commémorer sa construction, et appeler la protection des dieux. Cônes ou clous, en métal ou en argile, ils portent des inscriptions destinées aux dieux ou aux souverains ultérieurs qui restaureraient le temple, pour que son œuvre ne soit pas oubliée. Deux cylindres d’argile cuite, (vers 2120 av JC) 56 cm de hauteur. Ils racontent l’histoire de la construction d’un temple : dans un songe de Gudea, Ningirsu, le dieu, apparaît et demande la construction d’un temple, il indique les plans, précise ses désirs, dicte ses volontés, décrit sa future gloire (premier cylindre). Le second nous apprend que le dieu vivra dans ce sanctuaire avec son épouse…que grâce à l’établissement du temple l’abondance viendra …dans Sumer coulera une huile abondante …Montés sur des axes de bois, placés dans le temple, ils étaient peut être récités ou chantés régulièrement ? Les sceaux cylindres : Ils sont utilisés depuis le IVe millénaire. En pierre, percés et portés en pendentif, réservés aux plus riches, ils ont deux fonctions : La protection : par exemple : il n’y a pas de clef ni de serrure, on peut alors clore une porte avec une corde, un morceau d’argile sur le nœud et l’inscription du sceau sur l’argile. On peut aussi fermer un sac avec une cordelette et sur le nœud la même boulette d’argile avec le sceau…Les sceaux permettent également d’authentifier un document, un contrat etc. Les sceaux, d’une grande finesse d’exécution, représentent souvent une scène mythologique accompagnée d’une inscription (le nom du propriétaire et celui de la divinité protectrice) ils sont alors une sorte de talisman.

Le code d’Hammourabi

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Hammourabi roi de Babylone a fait graver ce code de lois vers la fin de son règne, vers 1750 av JC. Ecrit en cunéiforme, dans la langue babylonienne (un dialecte de l’akkadien) il fut retrouvé à Suse (Iran) ou il est arrivé vers 1155 av JC à la suite du pillage de Babylone par les rois élamites. C’est une stèle de basalte de 2,25m de haut. Il nous donne des indications précieuses sur l’organisation de la société de l’époque. Il n’est pas le premier code de lois rédigé. Celui d’Ur-Nammu le précède vers 2112, il permettait des compensations financières ce que ne permettra plus le code d’Hammourabi qui instaure la loi du Talion.

Il est composé de trois parties : Un prologue qui vante la dévotion du roi et rappelle qu’il a été désigné par les dieux pour rendre la justice. Le bas relief qui domine le texte est explicite : le roi reçoit des mains du dieu les insignes de son pouvoir un cercle et un bâton. Puis près de 300 décisions de justice rédigées sous forme de cas : «  si un homme a fait ceci ….il aura telle sanction ». Les sujets abordés concernent, la famille, l’esclavage, les droits professionnel et commercial, agricole et administratif. L’épilogue glorifie le souverain, et prononce des malédictions divines pour quiconque tenterait de contrevenir aux lois, ou de les modifier au cours des règnes suivants !

 

Le Kudurru de  Meli-Shipak

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En calcaire et datant du XIIe siècle av JC il fut lui aussi retrouvé à Suse, pour les mêmes raisons. Les kudurru sont le support d’actes de donation de terrains décidés par les souverains babyloniens en faveur de membres de leurs familles, ou envers de hauts dignitaires civils ou religieux. Ici le texte couvre toute une face et indique que le roi Meli-Shipak lègue des terres à son fils. Sur l’autre face, ce kudurru présente la particularité de réunir en tant que garant de la donation royale, l’ensemble des grandes divinités qui président à l’ordre du monde. Selon une formule appelée à se développer, ces divinités y sont figurées par leurs symboles, qui se présentent répartis en registres superposés, en suivant une hiérarchie précise.

Khorsabad

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Capitale du roi Sargon II vers 720 av JC. Les sculptures monumentales en ronde bosse, représentent des taureaux androcéphales ailés, qui étaient les gardiens de certaines portes de la ville et du palais. Symboles issus de la combinaison entre homme, taureau et oiseau à laquelle les cornes donnent un caractère divin, ils assuraient une protection contre tout ennemi éventuel .Mesurant plu de 4 m de hauteur sur 4 m de large, l’animal est doté de 5 pattes ce qui permet de représenter deux allures : au repos lorsqu’on le regarde de face, au pas lorsqu’on regarde l’œuvre de profil. Entre les pattes arrières l’une des inscriptions rend hommage au souverain et prononce une malédiction envers quiconque portera atteinte à l’édifice. Sur l’un d’entre eux se trouve la fameuse inscription de la prise de Samarie qu’on retrouve dans la Bible. Dans cette même salle des bas reliefs qui décoraient le palais de Sargon II, représentent le « maître des lieux », un héros maîtrisant un lion (qui n’est pas Gilgamesh), des génies bénisseurs, une suite de serviteurs apportent le mobilier royal ; certains portent des traces de polychromie (rouge, bleu, noir, sont les couleurs employées le plus souvent).

Ninive et Nimrud

 Nimrud est la capitale d’Assurnasirpal du IXe au VIIe s. av JC. Ninive est la capitale d’Assurbanipal au VIIe s. av JC.

Dans ces salles sont exposées des orthostates venant de ces deux cités : ce sont des plaques le plus souvent en albâtre gypseux, enchâssées dans la maçonnerie de brique cuite des murs du palais. Epaisses de 10 cm environ elles sont isolées du sol par des plaintes bitumeuses. Elles sont traversées de longues bandes d’inscriptions cunéiformes. C’est un art de propagande, un art impérial, qui met en valeur le roi et la cour : cortège royal, char du roi, chasse au lion (seul le roi peut tuer le lion), et file des déportés (les coiffures et la végétation indiquent le pays d’origine des déportés). La déportation de population est une pratique courante en Egypte et en Mésopotamie à l’époque. On estime qu’entre 880 et 680 av JC, près de 4 millions de personnes ont été déportées. Les élites, pour affaiblir le pays conquis et servir à la cour, le peuple pour les grands travaux … En 597 Nabuchodonosor déporte la population de Juda après la prise de Jérusalem, de 3000 à 10 000 personnes selon la Bible, dont le roi et sa famille.   En dehors de l’écriture un certains nombre d’objets particulièrement remarquables par leur exécution, nous donnent de nombreuses informations sur la vie des cités de Mésopotamie :

Ugarit

200px-Ishtar_Eshnunna_Louvre_AO12456

220px-Baal_thunderbolt_Louvre_AO15775 C’est une ville de Syrie qui a connu son apogée entre le XIVe et le XIIe s. av JC. Baal est le dieu tutélaire de la cité. De nombreuses statuettes en bronze et or le représentent. C’est un dieu juvénile, fougueux, dieu de la foudre, de la pluie, il assure et protège les récoltes. Sa parèdre la déesse Inanna (ou Ishtar) est représentée sur une série de bijoux en or. Un collier de cornaline (importée d’Inde) porte son effigie protectrice. Une patère en or, de forme égyptienne, représente une scène de chasse, thème oriental.

Marlik

 Ville d’Iran sur les bordes de la mer Caspienne. Les bijoux qui ont été retrouvés dans des tombes sont en électrum (alliage composé d’or et d’argent rencontré à l’état naturel dans des proportions variables) : un bracelet décoré de 6 têtes de lions en relief, un gobelet orné de monstres bicéphales ailés maîtrisant des animaux, un gobelet agrémenté d’un arbre stylisé. Un vase en terre cuite rouge lustrée représente un taureau ; de forme très épurée il indique le degré de perfection atteint par les artisans potiers de l’époque.

Suse

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Capitale de l’empire iranien de Darius Ier au IVe s. av JC, il y fit construire un palais gigantesque (l’Apadana, salle d’audience royale à colonnes, ouverte sur trois côtés, construction typiquement iranienne). Cette salle mesurait 58m de côté, le plafond était supporté par 6 rangées de colonnes qui avaient une base carrée et mesuraient 19m de haut. Elles étaient surmontées d’un chapiteau représentant deux avant de taureaux où s’encastraient les poutres du plafond.

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Sur les murs, la frise des archers de Darius, en tenue d’apparat avec bijoux sont en briques émaillées, ainsi que celle des griffons animaux composites venant de l’art des steppes. Le matériel retrouvé dans une tombe féminine est d’une grande richesse : vase à onguents en albâtre, colliers polychromes, boucles d’oreilles, avec l’apparition de la turquoise. Un rhyton (vase à boire en forme de corne) du IVe siècle av JC, en argent partiellement doré, est orné d’une anse représentant un bouquetin ailé reposant sur un masque de Silène. Il affirme le lien de Suse avec le monde hellénistique et une parfaite maîtrise technique.

Elisabeth Gautier 

 

 

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Etendard d’UR, la paix , XXVIIe s av. JC., British Museum

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